Feeds:
Articles
Commentaires

Archive for août 2009

René MouriauxUn entretien avec René Mouriaux

Cet entretien avec René Mouriaux a été réalisé le 4 mars 2009. René Mouriaux est politologue, directeur de recherches honoraire au CEVIPOF.

Le thème de la crise de la représentation politique a été massivement débattu au cours des vingt dernières années. Après deux échecs retentissants de la gauche à l’élection présidentielle (2002, 2007) et l’avènement du sarkozysme comme projet de refondation de la droite française, quelle est la pertinence analytique de cette notion ?

René Mouriaux — L’expression apparaît après Mai 68, notamment chez Henri Lefebvre. Mais ce n’est que dans les années 1980 que le thème s’impose en liaison avec les désenchantements suscités par la relève socialiste. Les espoirs que l’Union de la gauche irait plus loin que le Front populaire et transformerait la vie ont fait long feu. La «culture de gouvernement» est passée par là. Dans ce contexte, celles et ceux qui avaient voté pour la transformation sociale se sont sentis dépossédés. La représentation est en crise parce qu’elle ne représente plus. Tel est le sentiment qui prévaut : la politique est synonyme de gestion, on ne sort pas du système, on le modifie à la marge.

D’ailleurs, la théorie de la marge est reprise explicitement par la Fédération de l’Education Nationale (FEN). Concrètement, la FEN qui n’a jamais soutenu le programme commun, mais qui espérait avec l’arrivée de la gauche une unification du réseau scolaire et la résolution du problème de la laïcité à l’école sur la base des valeurs de gauche, s’est résignée à l’idée d’un bricolage, d’un rapiéçage de l’existant. La représentation n’a pour objet que la petite touche à apporter à des processus jugés « incontournables ».

La crise de la représentation indique, précisément, le décalage par rapport à la visée d’une transformation réelle de la société. Elle perdure parce que l’hégémonie libérale s’est accomplie. On n’envisage guère un passage du libéralisme au socialisme. L’affirmation qu’« un autre monde est possible », popularisée par ATTAC, reste minoritaire. Mais notons aussitôt à quel point cette proposition est faible, floue : on ne dit pas lequel. Il en est de même du combat pour faire advenir une autre Europe. Ainsi, le rejet du Traité Constitutionnel Européen (TCE) lors du référendum du 29 mai 2005 en France n’a pas abouti à un renforcement politique de la gauche. On se bat, mais il n’y a guère de prolongements programmatiques ou organisationnels. La gestion/protestation est le couple prédominant. Point d’alternative cohérente, ni de projet perceptible porté par un courant ou une famille politique à même d’assurer le remplacement alternatif.

De ce point de vue, le sarkozysme prospère sur l’absence de relève. Une de ses caractéristiques est de récupérer des thèmes ou des personnalités de gauche pour montrer qu’il n’y a pas d’autre politique. Brice Hortefeux et Eric Besson apparaissent interchangeables. Etre sérieux, c’est être libéral. Se rallier ou se disqualifier en se mettant dans l’utopie ! Ce n’est que dans le mouvement social, hors champ partisan, que l’énonciation de la possibilité de sortir du système est actuellement possible. Le système politique apparaît déséquilibré, et à quelques exceptions près, pratiquement verrouillé.

Lire la suite sur le site de la Fondation Gabriel Péri.

Read Full Post »