Par Michel Vakaloulis
Ce texte est extrait d’une étude inédite sur les rapports entre mouvements sociaux et citoyens, syndicats et partis politiques.
Une appellation controversée
Parler de « mouvement social », c’est parler d’un objet controversé et hautement problématique. Sa consistance est réputée indécise, sinon innommable. Ses usages sont multiples et évolutifs, ses frontières sont révisables, et en partie, méconnaissables. Certaines acceptions y incluent toute séquence d’action collective concertée en vue de défendre une cause ou de se battre contre une injustice. Qu’est-ce qui relierait concrètement ces formes d’engagement ? C’est la volonté d’agir directement, en tant que personne sensible au destin collectif, au lieu de se leurrer dans des formes d’interpassivité (Slavoj Zizek) où le sujet a l’impression d’être actif par le biais d’un autre sujet (ou d’un procédé) qui fait le travail à sa place.
D’autres acceptions, plus restrictives, insistent sur l’aspect « nébuleuse » des activismes qui composent le « mouvement social ». Ces activismes tendent à s’autonomiser des formations partisanes tout en se situant aux confins du politique et du social. Ils occupent, pour ainsi dire, une position interstitielle qu’ils ne peuvent pas franchir sous peine de se voir aspirés par le « débouché politique ». Sans représenter des mouvements proprement politiques, ils remettent en mouvement le jeu politique en s’inscrivant dans une logique de conquête de nouveaux droits et de transformation sociale. Chaque activisme considéré distinctement ne porte pas en soi une vision globale de la société. Il contribue pourtant, par roulement ou simultanément, à entretenir la croyance à la permanence du conflit social, à accréditer l’idée d’un mouvement d’ensemble, irréductible à la simple juxtaposition des résistances qui seraient empilées les unes sur les autres.